Vous êtes ici : Accueil > ETRE AGRICULTEUR > Je gère mon entreprise > Irriguer

Stop aux idées reçues n° 7

Accéder aux flux rss de notre siteImprimer la page

NON. Rassurez-vous : les nappes ne baissent pas.

Notre pays est « extrêmement soucieux » de son environnement. Donc, bien sûr, on s’est interrogé de l’impact du changement climatique sur l’évolution des nappes souterraines.

Dans le futur, le cumul des précipitations ne devrait pas baisser dans notre région. Par contre, on s’attend à une évolution de la répartition des pluies : plus en hiver et moins en été.

  • Plus en hiver : ce qui est bénéfique pour la recharge des nappes souterraines. L’irrigation continuera de disposer d’une ressource sûre et abondante. Et c’est une chance car d’autres pays et d’autres régions sont dans une situation moins enviable.
  • Moins en été : ce qui signifie une baisse des cours d’eau, même avec des nappes bien rechargées, et un asséchement des sols avec, par conséquent, un impact sur les cultures, et donc la sécurité alimentaire, mais également la biodiversité terrestre et la vie du sol.

 

Nous sommes en plein dans le changement climatique. Or, si on regarde l’évolution des piézomètres de référence pour le suivi des nappes de la craie, on ne constate pas d’évolution. Les seules fluctuations observées sont les variations annuelles (hautes eaux sortie hiver et basses eaux à l’automne), ainsi que des variations pluriannuelles dues à des phénomènes climatiques au niveau planétaire.

D’après les modèles climatiques, il ne devrait pas y avoir d’évolution du niveau des nappes avec le changement climatique. D’une part, la recharge devrait mieux se faire avec des précipitations plus importantes en hiver. D’autre part, l’eau est stockée dans le sol à l’abri de l’évaporation.

Le stockage d’eau en craie représente un volume très important. Par exemple, sur le petit bassin versant de l’HERBISSONNE, qui s’étend sur 92 km2, il y a entre 40 et 50 millions de m3 d’eau dans la craie.

La nappe de la craie sert à la fois à stocker l’eau et à alimenter les rivières.

Cependant, les différences de vitesse de circulation de l’eau dans la craie font que seule une petite fraction peut alimenter les cours d’eau. Lorsque cette petite fraction est vidée en raison d’une période de sécheresse qui se prolonge, la nappe ne peut plus alimenter la rivière, même avec bonne hauteur de nappe. C’est ce qui explique la poursuite de l’irrigation en 2020 bien qu’il y ait eu des prises d’arrêté sécheresse dues à la baisse des eaux de surface. A rappeler que la quasi-totalité des prélèvements dans l’Aube se font dans les eaux souterraines.

En France et depuis 30 ans, la gestion de l’eau accorde la priorité à la préservation des milieux aquatiques. Comme ils seront impactés par le changement climatique, des études ont été réalisées afin de vérifier s’il y avait possibilité d’améliorer leur situation en réduisant l’irrigation. Les résultats sont les suivants :

  • Les débits seuils fixés auparavant sous un autre climat, plus froid, ne pourront pas être atteints. Or, ce sont les seuils qui sont encore retenus pour les prises d’arrêté sécheresse. Il faudra donc s’habituer aux cartes « presque toutes rouges » des mois de juillet et août. Elles seront juste le témoin d’un changement de climat.
  • La suppression de l’irrigation, tout comme une augmentation, aurait peu d’impact. Ce qui traduit le faible poids de l’irrigation.
  • Il faudra recourir au stockage d’eau.

Au niveau France, l’irrigation ne représente que 0,6% des précipitations, alors que l’évapotranspiration (évaporation des sols et des eaux de surface cumulée à la transpiration des végétaux) concerne 64% des précipitations. L’augmentation de la température aura pour conséquence d’accroître de 15 à 35% l’évapotranspiration. Dans le futur, celle-ci représentera entre 74 et 86% des précipitations. Le poids de l’irrigation est dérisoire comparé à l’augmentation des prélèvements due à la demande climatique (évapotranspiration). On comprend également que ce volume d’eau qui sera évaporé constituera une fraction d’eau qui n’ira pas alimenter les cours d’eau. Mais, rassurez-vous, elle reviendra sous forme de pluies. Quant à l’eau qui s’évapore au-dessus de la mer, elle a plus de chance de retomber sur la mer ou le littoral qu’à l’intérieur des terres.

L’étude Climsec de Météo France met en évidence un autre aspect inquiétant du changement climatique : l’augmentation de la fréquence et de la durée des sécheresses agricoles dans le futur. En 2019 et 2020, nous avons paniqué en voyant l’impact d’une sécheresse estivale de quelques mois. Imaginons maintenant l’impact d’une sécheresse de 6 mois, voire plus, revenant presque tous les ans, sur la production agricole… Y aurait-il encore une production agricole sans irrigation ? Quid sur l’autosuffisance alimentaire de la France ? Faut-il attendre ce scénario pour agir ?

On parle d’urgence climatique. Il faut donc « agir », mais en tenant compte de l’ensemble du cycle de l’eau et de l’ensemble des utilisateurs de l’eau qui sont impactés, dont la biodiversité terrestre.